Dans le monde des assurances, on dit souvent que l’eau est aujourd’hui ce que le feu était hier. C’est que les dégâts d’eau entraînent maintenant chaque année des pertes astronomiques, de l’ordre de deux milliards de dollars, selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC).
Il s’agit d’un problème particulièrement sérieux pour les projets de construction d’immeubles de grande hauteur. Sur ces chantiers, il peut être difficile de repérer une fuite, ou bien une fuite peut se produire la nuit ou la fin de semaine, quand il n’y a personne sur les lieux. Ainsi, une légère fuite peut causer à elle seule des millions de dollars de dommages.
Pour les entreprises de construction, les dégâts d’eau majeurs sont problématiques à plusieurs égards. Les retards qu’ils peuvent occasionner risquent de faire augmenter les coûts de la main-d’œuvre et des matériaux, mais aussi les coûts d’emprunt pour mener le projet à terme, ce qui peut grandement nuire aux finances des promoteurs. En fait, les dégâts d’eau survenant pendant la construction d’un immeuble comptent parmi les plus grands obstacles à la réalisation d’un projet dans les délais et le budget prévus.
« Les dégâts d’eau sont très fréquents de nos jours dans les projets de construction d’immeubles de grande hauteur, qu’ils soient résidentiels ou commerciaux. Chaque sinistre est unique, mais dans tous les cas, l’eau et la gravité forment un cocktail destructeur », explique Jonathan Graham, directeur principal, Souscription, Construction et entrepreneurs, chez Northbridge Assurance, l’une des plus importantes sociétés d’assurance des entreprises au Canada.
Nous suivons la fréquence et la gravité des dégâts d’eau et, pour ces deux facteurs, la tendance des cinq dernières années va dans la mauvaise direction.
« Nous suivons la fréquence et la gravité des dégâts d’eau et, pour ces deux facteurs, la tendance des cinq dernières années va dans la mauvaise direction », ajoute-t-il.
En raison de l’ampleur des pertes et des retards, les secteurs de l’assurance et de la construction se tournent vers des stratégies pour atténuer les risques, comme l’adoption de technologies de protection contre les fuites et les inondations. Installées depuis des années dans des immeubles et des structures existantes, ces technologies peuvent aussi s’avérer utiles à l’étape de la construction.
Dernièrement, Northbridge a collaboré avec deux promoteurs et leurs courtiers pour que des dispositifs de surveillance des fuites d’eau basés sur l’IdO (Internet des objets) soient utilisés pendant la construction de deux immeubles de grande hauteur. L’objectif était de tester l’efficacité de cette technologie pour atténuer et réduire les dégâts d’eau.
Voici comment fonctionne cette technologie : on installe stratégiquement des capteurs de température, d’humidité et d’eau, puis ces capteurs communiquent via un réseau étendu à longue portée (LoRaWAN), car il est peu probable qu’il y ait une connexion Internet sur les chantiers.
Les capteurs sont tous connectés à un tableau de bord et à une application mobile, ce qui permet d’effectuer une surveillance en tout temps. Si le système détecte de l’eau dans un endroit indésirable, ou si l’approvisionnement en eau dépasse le niveau préétabli, une alerte est envoyée aux personnes responsables. Ensuite, les vannes d’eau sont fermées automatiquement, ou peuvent l’être à distance au moyen de l’application.
Cette technologie est assez évoluée pour détecter le niveau d’humidité et différencier un écoulement normal d’un écoulement excessif de l’eau sur une certaine période. Si elle ne peut pas empêcher une fuite de se produire, elle peut tout de même la détecter en temps réel pour en limiter les dégâts.
Dans le cadre d’un projet mené en partenariat avec Northbridge, Jones DesLauriers Insurance Management Inc. (JDIMI), un cabinet de services professionnels spécialisé dans la gestion du risque d’entreprise et les solutions en matière d’avantages sociaux, a travaillé avec Tribute Communities, un constructeur d’immeubles de grande et de faible hauteur.
Ensemble, ils ont mis à l’essai une solution reposant sur les dispositifs IdO de surveillance des fuites d’eau sur le chantier d’un immeuble de grande hauteur. Ce projet intéressait particulièrement Tribute, qui avait dû faire quatre réclamations liées à des dégâts d’eau dans un espace commercial dernier cri quelque dix ans auparavant. En raison des dommages subis, le constructeur a dû reconstruire l’espace trois fois au cours de la durée de vie du projet.
« Ces quatre réclamations à cause de fuites nous ont coûté près d’un an et demi de travail, indique Gus Stavropoulos, dirigeant principal des finances de Tribute Communities. À cause de ce projet coûteux, nous avons beaucoup appris, et notamment que nous devions trouver comment mieux faire les choses. »
Lors du récent projet où l’entreprise a eu recours à des capteurs IdO de surveillance des fuites d’eau, elle n’a pas fait de réclamation concernant des dégâts d’eau importants. Elle attribue cela à la technologie de surveillance, qui atténue les risques.
« Cette technologie nous a permis de réagir rapidement quand il y a eu une fuite d’eau sous pression, poursuit-il. Notre personnel a été alerté et s’est occupé du problème en deux temps, trois mouvements. C’était juste une valve desserrée, mais cela aurait pu nous coûter un quart de million de dollars en dommages; un simple resserrage nous a évité bien des problèmes. »
Cette technologie nous a permis de réagir rapidement quand il y a eu une fuite d’eau sous pression. Notre personnel a été alerté et s’est occupé du problème en deux temps, trois mouvements. C’était juste une valve desserrée, mais cela aurait pu nous coûter un quart de million de dollars en dommages; un simple resserrage nous a évité bien des problèmes.
Il pense que les dispositifs IdO de surveillance des fuites d’eau révolutionneront la gestion des risques de sinistres pour les projets de construction d’immeubles de grande hauteur, et que le secteur de la construction doit être à l’avant-garde du changement.
« Nous aurions certainement aimé avoir accès à cette technologie il y a 10 ans, quand nous avons eu un sinistre de 3,5 millions de dollars à cause d’un dégât d’eau, note Michael Kucharuk, associé et responsable de comptes chez JDIMI. Cela dit, je suis content que Northbridge prenne les devants et utilise la technologie pour réduire les risques de dégâts d’eau sur les chantiers en travaillant de concert avec les entrepreneurs généraux et les courtiers. »
Il y a des centaines d’assureurs enregistrés au Canada, mais seulement une poignée d’entre eux se spécialisent dans l’assurance des chantiers.
« Depuis 2020, il y a certainement moins d’assureurs sur le marché. Dans ce contexte, il se peut qu’un assureur ne veuille pas couvrir 100 % du risque, et qu’il faille donc recourir à plusieurs assureurs qui couvriront chacun seulement une partie du risque pour réduire leur exposition en cas de sinistre. Quand ça arrive, plus de négociations sont nécessaires en raison du plus grand nombre d’intervenants, surtout pour les grands projets de multiples tours », explique Cathy Ciccolini, associée chez Masters Insurance Limited, qui a également collaboré avec Northbridge à un projet pilote concernant les dispositifs IdO de surveillance des fuites d’eau.
Elle pense que cette technologie prouvera son utilité dans le secteur de la construction, et qu’elle pourrait même devenir obligatoire, comme les systèmes de gicleurs ou les avertisseurs de fumée. Si un promoteur présente un nouveau projet en disant que ses projets précédents n’ont donné lieu à aucune réclamation en raison d’un dégât d’eau, il aura un levier de négociation auprès des assureurs, qui offriront potentiellement une capacité plus grande, ainsi que des primes et des franchises plus avantageuses.
« Je recommande vivement aux promoteurs d’opter pour ce type de protection. La plupart d’entre eux ont déjà eu un sinistre causé par un dégât d’eau – petit pour les uns, plus important pour les autres, souligne Mme Ciccolini. Je leur explique que de tels sinistres auront des répercussions sur le prochain projet qu’ils voudront assurer par mon entremise. »
« Il s’agit d’une tendance émergente chez nous, mais la technologie intéresse de plus en plus les promoteurs et les assureurs, précise M. Kucharuk. Il n’y a pas si longtemps, on parlait des dispositifs IdO de surveillance des fuites d’eau comme d’une “nouveauté” qui pourrait être utile un jour. Aujourd’hui, on n’en est plus là; les promoteurs visionnaires savent comment utiliser cette technologie à leur avantage. »
En effet, selon lui, il s’agit d’une progression qui repose sur une logique pragmatique, car ces dispositifs permettent de réduire à la fois la fréquence et la gravité des sinistres. C’est important pour les assureurs et essentiel les promoteurs, qui peuvent ainsi respecter plus facilement les délais de construction et réduire les coûts découlant des dégâts d’eau.
« Dans bien des cas, on peut réduire la probabilité et l’ampleur d’une fuite d’eau grâce à cette technologie, qui fait partie d’une stratégie de prévention ou d’atténuation du risque. Les dispositifs permettent de localiser les problèmes et d’intervenir à distance », explique Christopher Mastro, directeur principal du Service de prévention chez Northbridge Assurance.
Lorsque la construction de l’immeuble est terminée, les promoteurs peuvent transférer les coûts associés aux dispositifs IdO de surveillance des fuites d’eau au propriétaire de l’immeuble. D’autant plus que cette technologie pourrait lui permettre d’atténuer de manière permanente le risque de dégât d’eau et de réduire ses coûts d’assurance.
« L’investissement est probablement le plus payant quand on installe la technologie pendant la construction. De cette façon, on protège le chantier et on a plus de chance de livrer l’immeuble à temps. Prenons un projet terminé à 98 %. Si un tuyau se détache d’une toilette au 12e étage, ça pourrait retarder la livraison de tout le projet de plusieurs mois, explique M. Mastro. Et pour les propriétaires, ça représente un outil de gestion du risque en continu. »
Si la technologie n’a pas entièrement prise sur la fréquence des incidents, elle peut réduire considérablement leur gravité en fournissant, en temps réel, des informations qui permettent d’agir pour limiter l’étendue des sinistres. Tout le monde y gagne : les entreprises de construction, les assureurs et, au bout du compte, les propriétaires.
Northbridge Assurance, Northbridge et le logo Northbridge Assurance sont des marques de commerce utilisées par la Société d’assurance générale Northbridge (émettrice des polices Northbridge Assurance), avec l’autorisation de la Corporation financière Northbridge.
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